Making of Cul d’Pat

La jalousie comme moteur, la communication comme secours Le court-métrage d’animation Cul d’Pat, réalisé par Augustin de Malliard, Paul Lejeune et Sibylle Goldet, suit un groupe de scouts en proie à la montée d’une émotion destructrice : la jalousie. « Avec ce film, nous voulions explorer le thème de la jalousie, comment elle se crée,…

La jalousie comme moteur, la communication comme secours

Le court-métrage d’animation Cul d’Pat, réalisé par Augustin de Malliard, Paul Lejeune et Sibylle Goldet, suit un groupe de scouts en proie à la montée d’une émotion destructrice : la jalousie. « Avec ce film, nous voulions explorer le thème de la jalousie, comment elle se crée, comment elle s’ancre en nous pour nous brouiller la vue et faire ressortir le pire de nous», explique l’équipe de réalisation. La vision des réalisateurs résume ainsi l’ambition morale et dramatique du film d’animation.

Le court-métrage choisit un regard strictement adolescent : pas d’interruption par un regard adulte, la patrouille évolue seule dans la montagne. Ces conditions sont nécessaires pour que la jalousie du leader autoproclamé prenne toute la place. Le personnage principal, Carl, personne de principes et chef de patrouille obsédé par la performance, incarne la montée progressive d’un sentiment qui le ronge. Son antagoniste Benjamin, un grand blond, incarne la légèreté, l’aisance relationnelle et l’esprit d’équipe. Il devient, sans le vouloir, l’objet de fascination de ses camarades après avoir trouvé une médaille, événement déclencheur du scénario. « À force d’attirer la sympathie et l’attention des scouts, il prend une place de plus en plus importante et Carl, leur chef autoritaire, se renferme. Tout le long du film, il recule à la fois spatialement mais aussi émotionnellement« , déclarent les réalisateurs. Le mouvement narratif assiste au recul de l’ancien meneur : il devient littéralement le « cul d’pat » à savoir le scout en dernière position lorsque la patrouille se déplace.

Par ailleurs, le film ne se contente pas d’exposer la haine, il ouvre la possibilité d’un antidote : la communication est alors le premier pas vers la maturité émotionnelle. Cette progression thématique de la jalousie jusqu’à la tentative d’empathie fait de Cul d’Pat un drame pensé pour un public jeune adulte ou adulte.

Esthétique et technique comme miroir émotionnel des personnages

Le parti pris esthétique du film en couleurs est affirmé avec une animation entièrement à la main, majoritairement numérique. La séquence de la médaille, pivot de l’attention portée d’un personnage à un autre, est toutefois animée au crayon de papier afin de souligner la douceur du plan et rendre presque tangible l’objet de fascination. Ce contrepoint technique marque l’instant où l’attention de la patrouille bascule vers Benjamin.

« Le décor a une place toute particulière dans notre film : les montagnes, tantôt douces, tantôt envahissantes et anxiogènes, sont le miroir émotionnel de notre personnage principal », selon les animateurs. Le décor n’est pas neutre, il agit, pèse, oppresse ou adoucit selon l’état psychologique du protagoniste. Le ratio cinémascope 2.55/1 souligne le désir d’un cadre panoramique comme un espace propice aux déplacements physiques et symboliques des personnages.

Côté son, l’équipe a fait appel à Basile Andrieu pour composer la musique tandis que Jade Garnier et Tristan Chossat se sont occupés du sound design. D’une part, le son décrit des actions hors-champ comme une chute, une ouverture de tente ou un combat afin de soulager la narration. D’autre part, le son module l’intensité des séquences : vaporeux et doux lors du passage de la médaille ou oppressant et rapide quand la jalousie s’installe, voire désagréable et agressive lors du climax. Les onomatopées, intégrées dans le film, complètent ce travail de texture sonore et graphique. Ces leviers sonores allègent ainsi la charge visuelle tout en amplifiant l’intensité dramatique des plans.

Le principal challenge évoqué par les trois réalisateurs est le temps, nécessitant des choix narratifs : scénario réduit à l’essentiel, coupes structurelles, animation semi-réaliste exigeante mais contrôlée. Le résultat est un court métrage de 7 minutes 49 secondes à la fois concentré et d’une intention claire à chaque séquence : un pari risqué mais réussi !

Synopsis et intention des réalisateurs

Carl est chef d’une patrouille de scouts et il en est fier. Il a la volonté d’être un bon leader et d’inspirer ses pairs. Benjamin, un autre scout, presque du même âge, est nettement moins investi. Lors d’une randonnée itinérante à travers les paysages de montagne, Benjamin trouve un objet qui le rend cool. Se sentant petit à petit remplacé, Carl se fait peu à peu bouffer par sa jalousie.

« Notre film traite des racines et de la montée en puissance de la jalousie. Ce sentiment est exploré dans le contexte de l’adolescence, période où les émotions sont difficiles à nommer, troubles mais puissantes. La jalousie étouffe le meilleur du personnage, révélant ainsi ses insécurités« , expliquent les réalisateurs.