Making of Doudou Caillou

Quand l’enfance déraille en technicolor Le court-métrage Doudou Caillou est né d’un désir de liberté graphique : « on avait l’envie de proposer quelque chose de généreux visuellement », expliquent les réalisateurs. Cette ambition créative structure Doudou Caillou avec une volonté de tirer parti du cartoon plutôt que du réalisme afin d’autoriser la déformation, la…

Quand l’enfance déraille en technicolor

Le court-métrage Doudou Caillou est né d’un désir de liberté graphique : « on avait l’envie de proposer quelque chose de généreux visuellement », expliquent les réalisateurs. Cette ambition créative structure Doudou Caillou avec une volonté de tirer parti du cartoon plutôt que du réalisme afin d’autoriser la déformation, la simplification des designs et une mise en scène vivante, organique et ludique. Plutôt qu’une logique réaliste spatiale, la perspective est ici un outil : parfois utilisée, souvent écrasée ou cassée, elle sert l’expressivité et l’imaginaire de l’enfant.

Mayly Houlgard, Carlos Rouaud, Isaure Sivel, José Razafindrazaka souhaitaient aborder le thème « de l’enfance, de la créativité naïve qu’il y a à cet âge et de tout l’imaginaire qui va avec. » L’idée narrative était donc de suivre une petite fille, Malou, qui perd son doudou puis part à sa recherche avec son chien Etoile. Cette traversée d’univers à la fois intérieurs (chaque pièce de la maison se mue en organe vivant) mais aussi extérieurs (perte de contrôle). Le film reste volontairement centré sur un imaginaire enfantin tout en s’adressant à un public adulte pour explorer des thèmes comme le rapport au corps, aux peurs, l’appropriation de soi, le tout sans censure. L’équipe revendique l’envie que le spectateur sorte interrogatif, capable de projeter son propre vécu sur ces tableaux.

Genèse d’un imaginaire et partis pris artistiques

L’équipe de réalisation précise une volonté de « créer quelque chose de singulier et surprenant visuellement ». Côté références, on peut noter : Au revoir Jérôme pour la structure et l’ambiance, Wanwa the Doggy pour la liberté dans l’animation et la thématique, mais également des films de Jonathan Djob Nkondocomme ou bien Genius Loci, Son of the White Mare ou T’as vendu mes rollers. Le résultat est un court métrage unique à la croisée du conte et de la comédie reposant sur l’action et l’aventure.

Côté technique, le film dure 6 minutes 30 secondes, a été conçu pour un ratio 16/9 et utilise une chaîne logicielle complète (Storyboard Pro, Toon Boom Harmony, Dragon Frame, Photoshop, After Effects, Premiere Pro), des choix qui traduisent la volonté de marier rigueur numérique et imperfections artisanales. La fabrication du film est en effet un manifeste pour les techniques hybrides. Mayly H. a peint tous les décors colorés à la gouache, la main du monstre final a été animée en huile sur verre, et la scène de transformation du chien est un assemblage traditionnel et stop motion agencé sous After Effects. L’animation des personnages, quant à elle, a été réalisée numériquement sur Toon Boom Harmony par José R. et Carlos R. avec des textures et effets ajoutés ensuite pour retrouver un effet « crafty » et donner du cachet au film. Le compositing a fini d’assembler le tout, malgré une production très serrée où l’équipe a continué de travailler trois semaines après la date de rendu pour boucler les finitions. L’équipe de production remercie par ailleurs tout particulièrement les personnes qui les ont aidés à finaliser Doudou Caillou sans renoncer à leur vision artistique.

L’hybridation qui donne du grain

Sur la bande-son, Léonard Rouaud signe la musique et le sound design, travaillant en « ping-pong » entre l’animatic (storyboard animé) et sa composition musicale afin d’accentuer l’immersion. L’ambiance sonore recherchée est à la fois surréaliste, légère, enfantine, drôle et « goofy » avec une structure musicale déconstruite qui rappelle Adventure Time. Le sound design assume des sons étranges renforçant le mystère avec la maison qui produit elle-même une musique, rendant la quête du doudou énigmatique. Enfin, pour l’anecdote, la voix de Malou a été apportée par Charlie Rouaud (11 ans), sœur d’un des réalisateurs. Celle-ci a enregistré la voix de Malou, les onomatopées, les bruitages, en multipliant les sessions pour donner au personnage ce timbre enfantin à la fois modulé et pitché.

Doudou Caillou fonctionne comme un petit concentré d’animation réflexive avec la perte d’un doudou comme expérience universelle. Celle-ci devient le prétexte d’une enquête intérieure traversant des visuels forts avec une fin à la fois troublante et drôle qui confirme l’équilibre dramatique maîtrisé. Ce court métrage d’animation n’est pas seulement un bel objet visuel : c’est la preuve qu’une petite équipe peut, par la diversité des techniques et une direction artistique audacieuse, convertir une peur enfantine en une fable polymorphe.